Des contaminants cancérigènes du chantier de Northvolt s'écouleraient dans le Richelieu
![]() |
Visualisation de la future usine à batteries de Northvolt [Image : Northvolt] |
Des analyses d'échantillons de sédiments et d’eau de surface recueillis près du terrain de Northvolt par des citoyens révèlent que de fortes quantités de HAP, une substance cancérigène chez l'humain et les poissons, pourraient se retrouver dans le Richelieu, gracieuseté du chantier de la future usine à batterie.
Il y a donc de fortes chances que ces substances toxiques proviennent directement du chantier de Northvolt, qui est situé tout près de la route 223, qui longe la rivière Richelieu. La Société pour la Nature et les Parcs du Canada (SNAP Québec), le Comité Action Citoyenne - Projet Northvolt (CAC) et la Société pour vaincre la pollution (SVP), ont présenté leurs résultats d'analyse d'échantillons de sols contaminés lundi matin en conférence de presse. En plus des concentrations élevées de HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), « qui dépassent jusqu’à 8 fois le critère sédimentaire pour la protection du milieu aquatique », d'autres substances toxiques telles que de l'arsenic ont été observées en quantités anormales sur certains sites d'échantillonnage.
Du chantier à la rivière
Les pluies importantes que nous avons eu à quelques reprises cette année, soit en fin juin, au mois d'août et cet automne, pourraient avoir contribué au ruissellement des contaminants dans la rivière, indiquent les trois organisations. Ces dernières ont récolté leurs échantillons de sols majoritairement en bordure du terrain de Northvolt, près du Richelieu. Selon Daniel Green, écotoxicologue à la SVP, les citoyens locaux qui ont récolté les échantillons étaient dans une position parfaite pour mener la partie « terrain » de cette démarche citoyenne, car ils connaissent le secteur ainsi que ses zones de ruissellement près du terrain de Northvolt mieux que quiconque.
La carte des sites d'échantillonnage de sols contaminés de la CAC, la SVP et SNAP Québec.
Rappelons que le site de Northvolt possédait déjà des contaminants avant que la compagnie suédoise y installe son chantier. « La future usine de Northvolt reposera sur des sols contaminés par plus de 100 ans d’activités industrielles lourdes visant notamment la production d’explosifs, de munitions, d’engrais chimiques et de peinture », indique SNAP Québec par voie de communiqué.
Les résultats d'analyses des sols contaminés de la CAC, la SVP et SNAP Québec, comparant les sites directement affectés par la contamination résiduelle du chantier avec ceux les plus éloignés.
Selon M. Green, ces contaminants ne sont pas nécessairement dangereux, tant qu'ils ne sont pas déplacés. Hors, il affirme que les analyses d'échantillons démontrent que c'est exactement ce qui se produit sur le chantier de Northvolt. Les zones d'échantillonnage se trouvant dans la trajectoire des écoulements des zones de travaux de Northvolt, soit la 5 et la 6.9, présentaient plus de toxines que les zones plus éloignées, comme la 3 ou la 4.
« On a de la difficulté à gérer ce qu'il y avait déjà [sur le territoire], alors est-ce qu'on peut donner une pause à l'environnement ? », s'exclame Ariane Labonté, co-porte-parole du CAC - Projet Northvolt. Celle-ci croit qu'il est inacceptable que des citoyens aient eu à mener cette initiative pour faire valoir les potentiels impacts environnementaux du projet, et que c'est le gouvernement qui a le devoir de mener ce genre d'étude, et d'informer la population des résultats des analyses par la suite.
La rivière et sa vie aquatique, victimes #1
Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la SNAP Québec, indique que les premières victimes d'une potentielle contamination à long terme, sont la rivière et sa vie aquatique. Si des substances toxiques venaient, à la longue, se déverser dans les eaux du Richelieu, elles pourraient avoir des impacts dévastateurs sur la population du chevalier cuivré, une espèce de poisson unique au Québec, qui vit principalement dans cette cours d'eau.
Le chevalier cuivré, un poisson unique au Québec [Image : MELCCFP]
Ce poisson d'eau douce, en plus d'être rare, s'accouple plus tard que ses homologues ( il existe quatre autres espèces de chevaliers au Québec), soit en fin juin et début juillet. Cette période nuptiale peut s'avérer problématique, car qui dit chaleur et début d'été dit sécheresse, et une rivière avec un niveau d'eau plus bas que son seuil normal aura également une concentration de contaminants plus élevée. Cela dit, les impacts d'un cocktail riverain à saveur toxique sur le chevalier cuivré sont multiples ; changements dans le comportement, présence de cancers chez les poissons, malformations dans les larves, etc.
Qu'en est-il de la santé publique ?
La SNAP Québec préfère laisser le gouvernement se prononcer en ce qui a trait à la santé publique et aux potentiels dangers des contaminants envers la population. Rappelons que du printemps jusqu'en début d'automne, le Richelieu est fortement utilisé à des fins récréatives, que ce soit pour pêche et faire des excursions nautiques en bateau, mais aussi, et ce depuis l'été dernier, pour se baigner dans la piscine en eaux-vives inaugurée par la Ville de Beloeil à son quai municipal.
Lorsqu'interrogée sur les potentiels risque de contamination de l'eau dans le Richelieu, la Ville a répondu « qu'elle prendra bien évidemment toutes les précautions nécessaires pour assurer la sécurité de [ses] baigneurs la saison prochaine ». Elle ajoute que « dans ce dossier, c’est la responsabilité des autorités provinciales et fédérales de faire le suivi de cette possible contamination et de vérifier s’il y a des enjeux pour la santé publique. Ils doivent nécessairement prendre des mesures sérieuses, comme il semble être le cas avec l’entreprise [Northvolt], pour éviter les fuites de contaminants et assurer la sécurité de la faune, la flore et aussi de toutes les utilisations libres sur le Richelieu telles que l’encadrement et la sécurité des plaisanciers de tous types d’embarcations. »
De son côté, la Ville de Saint-Basile-le-Grand, dont le territoire abrite conjointement avec la Ville de McMasterville le site de la future usine, affirme que « depuis le début des activités de Northvolt sur [son] territoire, [elle a] tout de même constaté un souci exemplaire de l'entreprise quant à la décontamination du site et la gestion des eaux de ruissellement, bien au-delà de ce qui lui est imposé ». La municipalité refuse de commenter les résultats d'analyse présentés lundi matin.
McMasterville affirme quant à elle prendre la situation bien au sérieux. « À la suite de la divulgation des résultats d’analyses par les organismes environnementaux, nous avons communiqué sur le champ avec notre régie d’eau potable, pour nous assurer qu’il n’y ait aucun enjeu avec la qualité de l’eau potable distribuée sur le territoire », indique le maire, Martin Dulac, par courriel. « On nous a confirmé que la station réalisait régulièrement des analyses de plusieurs composés chimiques et qu'à ce jour, tous les résultats sont conformes au Règlement sur la qualité de l’eau potable », ajoute-t-il, tout en indiquant que la Direction de santé publique de la Montérégie a assuré à la Ville « qu’elle n'a reçu aucun signalement d'anomalies en lien avec la qualité d'eau potable produite par la Régie intermunicipale de l’eau de la Vallée-du-Richelieu ».
« Nous sommes également en relation continue avec le cabinet du ministre de l’Environnement (MELCCFP) qui nous a confirmé que des inspections du site ont récemment été réalisées », renchérit le maire, qui précise également que la Ville a contacté les trois organisations qui ont procédé aux prélèvements d’eau afin d'obtenir une copie des analyses, pour en faire une « lecture attentive ».
Les organismes demandent au gouvernement d'agir
En réponses aux résultats dévoilés lundi, Northvolt a indiqué à La Presse Canadienne et au quotidien Le Devoir, que puisque les échantillons ont été pris à l'extérieur du chantier, les organisations qui ont effectué les analyses ne peuvent pas affirmer hors de tout doute que les contaminants proviennent de son chantier. Elle indique qu'ils pourraient provenir de la 223, qui sépare la rivière de son terrain, et que ses propres analyses menées sur et hors de son terrain démontrent que les quantités de HAP dans l'eau du Richelieu respectent les normes du MELCCP.
Cela dit, les organisations qui ont présenté leurs analyses demandent aux instances provinciales et fédérales de mettre en place des mesures de confinement et de traitement de l'eau pour éviter que d'autres contaminants se retrouvent dans le Richelieu, et ce, que ce soit à des fins de protection de l'environnement ou pour des questions de santé publique. Jacinthe Villeneuve, co-porte-parole du CAC, souligne également par voie de communiqué l'importance d'entreprendre « un suivi régulier des impacts de la construction de l’usine Northvolt sur la qualité de l’eau de la rivière Richelieu ».