Loi 40 : Les commissaires des commissions scolaires ont perdu leur mandat
Dans la nuit de vendredi à samedi, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de loi no 40, Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires. Depuis, les commissions scolaires se sont transformées en centres de services scolaires, et les commissaires et présidents ont perdu leur mandat.
Cette loi abolit également les élections scolaires et « officialise une décentralisation importante de la prise de décision vers celles et ceux qui connaissent les élèves par leur nom », peut-on lire dans un communiqué.
Votée à 60 voix contre 35, cette loi veut mettre en place un système scolaire moins bureaucratique en proposant une gouvernance de proximité, centrée sur les besoins et la réussite des élèves. Les enseignants seront mieux formés, les parents auront plus de pouvoir décisionnel, plus de services regroupés, et d’autres mesures.
Le gouvernement a annoncé la fin immédiate des mandats des commissaires scolaires francophones. On parle désormais d’ex-présidents et d’ex-commissaires. Ceux-ci ont toutefois une nouvelle injonction : le rôle-conseil à la direction générale. « Comment le ministre peut-il me démener de mes fonctions en abolissant un poste qu’il juge incompétent pour ensuite me donner un autre mandat ? », se questionne l’ex-présidente de l’ancienne Commission scolaire des Grandes Seigneuries, Marie-Louise Kerneïs. Il existe une certaine incompréhension face à cette loi. « On ne sait pas vraiment à quoi s’attendre », ajoute-t-elle.
Ce sont désormais les directeurs généraux des commissions scolaires qui prennent le relais et doivent s’occuper de la transition vers la désignation des membres des conseils d’administration des centres de services scolaires. Cette transformation prévoit une période de transition qui s’étendra jusqu’au 1er juillet 2020.
Les membres du conseil seront des directeurs généraux, choisis entre eux. De plus, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, François Roberge, aura son mot à dire quant à la composition des conseils.
Pour les anglophones, les mandats termineront plus tard afin d’entrer officiellement en tant que centres de services scolaires en novembre prochain.
Marie-Louise Kernïs déplore « la fin d’une démocratie ». En effet, les anciennes commissions scolaires étaient des petits gouvernements autonomes en soi. Les commissaires étaient élus et prenaient des décisions, consultaient les parents et laisser place aux discussions dans toutes les sphères décisionnelles. Chaque commission scolaire avait ses réalités.
Les commissions avaient des relations de collaboration avec toutes les parties prenantes. Par exemple, lorsqu’une école avait besoin d’être implantée ou agrandie, les commissaires devaient soumettre une demande au maire de la municipalité en question. « En règle générale, on arrivait à avoir nos terrains. Par contre, il y a eu des fois ou les projets étaient refusés », raconte Mme Kerneïs. « Mais c’était démocratique », ajoute-t-elle.
La nouvelle loi ne donne pas le choix aux municipalités de céder des terrains pour les écoles primaires ou secondaires. C’est pourquoi l’ex-présidente craint « des chicanes avec les villes ou même la fin du partage des ressources entre les écoles ».
La majorité l’emporte
Présente à l’Assemblée nationale de vendredi, Marie-Louise Kerneïs dit avoir assisté à « une discussion sans écoute ». Les participants restaient sur leur position coûte que coûte.
Rappelons que c’est la quatrième adoption d’une loi sous le bâillon par le gouvernement caquiste.
« Ce n’est pas qu’on ne voulait pas changer, on était conscient qu’il fallait moderniser le système, mais de là à abolir les commissions scolaires, c’est trop », ajoute-t-elle. Elle explique également que le ministre Roberge n’a pas consulté les commissaires ou les présidents : « il a consulté quelques commissions, une à une, et le problème c’est qu’on n’a pas pu se faire entendre, ensemble. Il n’y a eu aucune volonté de communication ».
Pour le moment, Mme Kerneïs ne sait pas si elle veut s’occuper de son nouveau mandat. Cette femme dévouée à l’éducation depuis 40 ans veut continuer de s’impliquer dans ce système, toutefois, elle ne sait pas si elle assume de se mouler à cette loi, qu’elle trouve « catastrophique ».
Plusieurs ne sont pas d’accord avec cette imposition, notamment les Villes qui ne veulent pas céder leurs terrains si facilement, les membres du personnel scolaire qui s’opposent à ces changements et quelques parents qui se préoccupent de l’avenir de leurs enfants et de leur place au sein du nouveau système.
Certains contestataires pourraient amener le dossier devant les tribunaux.