Contrat d'un complexe multisport : Boucherville a commis un manquement selon l'AMP
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Le futur complexe multisport à Boucherville [Image : Ville de Boucherville] |
Dans une décision, l'Autorité des marchés publics (AMP) indique que la Ville de Boucherville a commis des manquements dans l'octroi du contrat de la construction de son complexe multisport.
Publié mercredi, le rapport conclut que Boucherville a « contrevenu au cadre normatif, plus précisément au principe de l’égalité de traitement des soumissionnaires et de l’intégrité du processus d’adjudication, en convenant avec le plus bas soumissionnaire de reporter l’échéancier des travaux et de prolonger la durée de validité de sa soumission, en contrepartie d’une compensation financière ».
Un enjeu de subvention
Boucherville a expliqué à l'AMP qu'elle a pris connaissance, en août 2023, « d'une aide financière du ministère de l’Éducation comprenant une subvention dont pouvait bénéficier le projet de construction du complexe multisport ». Cela dit, pour l'obtenir, elle ne pouvait pas octroyer le contrat avant d’obtenir une réponse à sa demande, qui ne lui serait fort probablement pas envoyé avant le 16 décembre, soit la date de fin de validité des soumissions. Le problème ; la date limite des soumissions d'appel d'offre pour le projet était le 17 août 2023, donc la période de validité des soumissions allait expirer avant que la Ville ne puisse recevoir la subvention.
C'est donc en novembre 2023, que Boucherville a contacté le Groupe Geyser et conclu l'entente. Ultimement, la Ville n'a pas obtenu la subvention, et a honoré son engagement avec l'entreprise. Les travaux du complexe multisport ont commencé l'automne dernier, et devraient se terminer en automne 2026.
La problématique de cette action réside dans le fait que les conditions de l'appel d'offre ont été changées après que le processus ait déjà été entamé, et que le soumissionnaire en question, le Groupe Geyser, s'est vu accorder une somme additionnelle à sa soumission, en ayant la garantie d'obtenir le contrat. Cette somme, d'une valeur de 2 399 792 $, ajoutée à la soumission initiale 44 474 629,50 $, a d'ailleurs fait passer le Groupe Geyser du plus bas au plus haut des cinq soumissionnaires pour ce projet. « Une fois les soumissions reçues, un organisme municipal ne peut user de sa discrétion pour effectuer des changements aux conditions de sa demande de soumissions ni aux soumissions reçues avant l'adjudication du contrat », précise l'AMP, qui ajoute que cette obligation vise à protéger l'intérêt public. Selon l'AMP, les méthodes employées par Boucherville dans ce dossier ont donc compromis l'équité entre les soumissionnaires, et elles constituent un manque de transparence. En effet, la compensation financière n'a pas été déclarée dans le Système électronique d'appel d'offres du gouvernement du Québec (SEAO), et la Ville ne l'a pas non plus divulguée publiquement.
Cela dit, le maire de Boucherville, Jean Martel, a expliqué en entrevue à TVRS que le rapport de l'AMP présente une erreur de fait. Il indique que la Ville ne s'est jamais engagée, dans son entente avec le Groupe Geyser, de lui accorder un 2,4 M$ de plus au contrat.
« On a posé la question au directeur général [de la Ville] ; " Est-ce qu'il y a des coûts supplémentaires pour le report ?" Parce qu'on se disait qu'il devait y en avoir. Le directeur général a parlé à l'entrepreneur, il a demandé " ça peut être quoi les coûts supplémentaires qui résulteraient ?" Il a réussi à ce que l'entrepreneur se lit avec un écrit. Il nous a confirmé par écrit, avec aucune condition, que le plus que ça pourrait atteindre c'est 2,4 millions. Mais nous, on ne s'est pas commis par résolution à l'accepter », déclare le maire. Ceci étant dit, le montant de 2,4 M$ ne serait qu'un estimé des coûts additionnels que la Ville pourrait devoir débourser à la fin des travaux en raison des imprévus du retard de l'échéancier. Ce n'est donc pas un montant qui a été dépensé, et la Ville insiste sur le fait qu'elle possède toujours le droit de contester ces dépenses si elle le veut (ces dernières seraient d'un minimum de 1,6 M$).
Boucherville insiste donc sur le fait qu'elle n'a pas modifié le contrat, donc qu'elle n'a pas contrevenu à son cadre normatif, tel que l'AMP affirme dans son rapport. « Le contrat qu'on a octroyé, et c'est là qu'on est déçus de la décision de l'AMP, on l'a pas octroyé avec un montant de 2,4 millions de plus, comme ce que semble indiquer l'AMP. On l'a octroyé selon ce qui avait été initialement déposé, qui était la plus basse offre », dit M. Martel. Cela dit, la Ville envisage possiblement de contester la décision, et qu'elle révisera le tour avec ses procureurs, car une telle démarche implique des frais, et bien que Boucherville nie les faits décrits dans le rapport de l'AMP, elle n'a aucun problème avec les recommandations que celle-ci lui a envoyé.
Parmi ces recommandations, se trouvent la demande de mieux former son personnel sur le principe de l’égalité de traitement des soumissionnaires et de l’intégrité du processus d’adjudication, et de se doter de procédures efficaces et efficientes visant à assurer le respect de ces deux principes. Précisons que l'AMP ne donne pas de sanction à la Ville, et elle ne lui demande pas d’abroger le contrat avec le Groupe Geyser.
Jean Martel ajoute que les travaux du complexe multisport vont comme prévu, autant au niveau des coûts que de l'échéancier.